Nos vies sont modulées et animées par de fréquents changements. On grandit, on mûrit, on évolue. L’analogie peut être faite pour les structures organisationnelles. En entreprise aussi les changements sont quasi-constants, souvent imposés par le contexte environnemental et les choix stratégiques voire politiques des hiérarchies. Comment les introduire quand ils surviennent? Comment les accompagner ?

Notions et sémantique

En abordant la question du changement sur une mission il y a quelques mois, j’ai failli passer à côté de mon intervention pour une question de sémantique. Sollicitée pour une prestation conseil spécifique d’accompagnement au changement, les premiers rendez-vous et le recueil des attentes clients relevaient plutôt d’une conduite au changement. Même si les deux termes vont quelquefois de paire, on n’y met pas les mêmes éléments et surtout on n’intervient pas de la même manière auprès des clients.  Comment faire pour mieux les appréhender ?

J’ai récemment trouvé la solution en une analogie intéressante pour appréhender la différence entre les deux termes.

Conduite du changement

Quand on conduit une voiture, plusieurs choses nous guident (un objectif à atteindre impliquant une destination, des délais à respecter; des indicateurs : GPS, niveau de carburant, vitesse…). Ces éléments nous permettent de piloter les actions avec les méthodes spécifiques pour atteindre l’objectif fixé. La situation ici est relativement proche de la conduite de projet.

La conduite au changement  c’est donc la formulation d’un plan et des principes d’actions pour mettre en place une nouvelle organisation en accord avec la stratégie d’entreprise. Il s’agit d’inclure dans le temps le pilotage et le déploiement de ces actions, ayant de fait une certaine distance vis à vis des acteurs concernés par le projet de changement.

Accompagnement du changement

En accompagnant un nouveau conducteur, il ya un sentiment de proximité, d’aide qui nous anime. Il se traduit en général par le fait d’expliquer les actions posées, de donner des conseils lors de la conduite, de répondre aux questions. Il ya aussi la possibilité de trouver ensemble des solutions ou d’accompagner la réflexion de l’apprenant, l’amenant à trouver la solution par lui même. Il s’agit de co-construire l’apprentissage pratique, ce qui entraîne une adhésion totale de l’apprenant.

L’accompagnement au changement c’est donc l’ensemble des actions effectuées sur le terrain en collaboration avec les acteurs concernés par le dit changement pour les aider à s’approprier les nouvelles dispositions de leur entreprise. Il s’agit ici de travailler avec eux.

La différence entre les deux termes induit la différence dans la posture d’intervention quand on est externe à l’entreprise.

Accompagnement au changement

L’Intervention psychosociale dans l’accompagnement au changement

La psychologie sociale apportent un éclairage intéressant sur la gestion du changement dans le monde du travail. Les trois notions présentées ci-après sont évaluées séparément pour mieux les comprendre mais elles sont très souvent imbriquées entre elles dans la réalité.

  • Les Décisions de groupe

Des travaux ont conclu au fait que le changement est mieux instauré s’il passe par des acteurs concernés par une décision de groupe (Lewin,1943).

Selon Lewin, tous les groupes vivent dans un état d’équilibre quasi-stationnaire. La moindre modification apportée à cet équilibre entraîne des phénomènes d’opposition.  Un des solutions apportée pour induire et faire accepter la modification sans déséquilibrer le groupe consiste à réduire les forces opposées au changement.

Une vieille expérience professionnelle décrite par Coch et French (1968, éd. française ) illustre ce postulat. Ils ont dépassé la résistance au changement en introduisant dans une usine de textile une participation collective à la définition de nouvelles méthodes de travail. Les résultats montrent que la participation collective est une des solutions pour réduire la résistance au changement. Pour l’époque c’était une révolution et certainement un grand pas dans les méthodes organisationnelles. Aujourd’hui,même en étant tous d’accord sur le principe, il faudrait compter avec les organisations syndicales et autres composantes du groupe travail. La tâche est légèrement plus complexe, d’ailleurs les derniers mois d’actualité du travail en France montrent bien que ce n’est pas toujours aisé de tomber d’accord, même en impliquant toutes les parties. #Loidutravail

  • La Justice organisationnelle

La justice organisationnelle est définie comme étant la perception d’un individu quant au traitement qu’il reçoit dans le cadre de son travail.

Ainsi, par exemple, le comportement d’un salarié au travail dépendrait, en partie, des dispositifs de sa rémunération. Les choix de rémunération au sein d’une entreprise auraient donc une influence sur les comportements individuels et collectifs.

Le manque de “justice” dans le cadre du travail aurait de multiples conséquences : augmentation les représailles (gaspillages, absences, départs…) et forte diminution de motivation et d’engagement.  On se retrouve ainsi avec un important turn-over ou des absences à répétition.

Développer la justice organisationnelle vise tant au bien-être des salariés qu’à la santé économique de l’entreprise. Il s’agit de communiquer, d’expliquer, transmettre les informations pertinentes, montrer du respect dans ses relations avec les autres … Ca ne coute pas très cher (financièrement) et les gains sont inestimables pour tous.

“Dans le cadre du changement, les décisions sont mieux acceptées si les personnes concernées ont la possibilité de donner leur avis, leur point de vue de manière complète”. La notion de “justice interactionnelle “ introduite par Bies et Moag (1986) est la jonction de deux éléments: la justice interpersonnelle qui renvoie au respect et à la politesse manifestée dans les relations et la justification des décisions. Cette forme de justice liée à la satisfaction et corrélé positivement à l’engagement organisationnel tient un rôle très important des organisations. En clair, la communication et l’échange, comme dans les décisions de groupe, on part du postulat qu’il faut échanger pour impliquer et non imposer.

La justice organisationnelle est donc un paramètre qui permet de voir comment l’équité s’exerce dans les entreprises. C’est aujourd’hui un des reflets de la bonne santé d’une entreprise.

  • L’ Engagement

la théorie de l’engagement  selon Kiesler (1971) peut être mobilisée pour susciter des changements.

Elle considère que le comportement des personnes est plus fonction des actions antérieures que de leurs idées. Pour obtenir le changement, le plus efficace est de faire exécuter un acte préalable peu coûteux, dans des conditions engageantes.

L’engagement dépendrait donc du contexte dans lequel l’acte a été posé. Et un acte serait engageant s’il est socialement visible, irrévocable et s’il intervient dans un contexte de liberté.

Par exemple, une entreprise sujette à une croissance continue d’accidents peut faire appel à un psychologue du travail pour comprendre, modifier les attitudes et les rendre plus favorables à la sécurité. Dans ce cadre particulier, le psychologue du travail s’appuiera sur de précédentes études qui montrent que les attitudes sur la sécurité notamment sont plus aisément changées en organisant (par exemple) des formations dans un contexte de liberté. De plus, ces changements là sont durables. Les salariés qui ont l’impression d’évoluer dans un contexte de travail libre sont à priori plus engagés envers leur entreprise. Un réel potentiel pour la pérennité l’entreprise.

Avez-vous déjà vécu de grands changements dans votre environnement de travail ? Racontez nous.